Plan de financement et profil du franchisé : le regard du banquier

5 octobre 2022
Categories : Photo de couverture : Plan de financement et profil de l’entrepreneur : le regard du banquier sur les dossiers de franchise
Abonnez-vous à la newsletter

[Parole d’expert] Passage obligé de tout créateur d’entreprise, la sollicitation d’un prêt auprès d’un établissement bancaire est un moment décisif. Comment les banquiers étudient-ils un dossier de franchise ? Quels critères vont impacter leur décision finale ? Pour nous répondre, nous avons interrogé François Callon Responsable Franchises et Création d’Entreprises chez Crédit Mutuel.


A la tête du pôle franchise du Groupe Crédit Mutuel depuis 2019, François Callon se présente comme le point d’entrée des franchiseurs qui lui adressent des candidats à la recherche d’un financement. Le pôle franchise a alors pour mission de les mettre en relation avec les agences locales du CIC et du Crédit Mutuel, en fonction de la demande du franchisé et de la géographie de l’implantation. Expert du modèle, il nous explique ce qui fait un bon plan de financement et les éléments déterminants d’un dossier de création en franchise. Interview.

François Callon : Je vois passer à peu près 600 dossiers de franchise par an. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas autant, voire plus, qui passent directement par les agences. Ce ne sont pas des volumes très importants par rapport au total de la création d’entreprise. Mais par contre ce sont des dossiers qualitatifs, parce que les créateurs sont adossés à un réseau qui leur apporte un accompagnement. Ce sont donc des dossiers qui vont être plus gros et plus qualitatifs que des dossiers de création d’entreprise indépendante.

F.C : Bien sûr, cela va être facilitant parce qu’on sait que l’entrepreneur va être guidé par le franchiseur. Ce n’est pas suffisant pour faire passer le dossier, mais c’est un facteur favorable. Après, ce n’est pas parce que c’est en franchise que tout va être accepté. Aujourd’hui, un entrepreneur qui ouvrirait un magasin de vêtements ou de chaussures, par exemple, même en intégrant un réseau, aura plus de difficultés parce qu’on sait que ce secteur d’activité souffre et qu’il y a beaucoup de fermetures. Ce n’est donc pas parce que vous êtes dans un gros réseau que l’économie ne va pas avoir d’effet sur votre activité. Mais, globalement, c’est plus solide.

F.C : Le taux de casse, c’est le nombre d’entrepreneurs qui sont contraints d’arrêter leur activité. C’est quand on leur a fait un prêt et qu’ils ne peuvent pas le rembourser. Je préfère parler du taux de survie à 5 ans. À 5 ans donc, plus de 80 % des nouveaux franchisés sont toujours en activité. Ce chiffre tombe en dessous de 50 % pour des indépendants. Cela signifie que 5 ans après son installation un indépendant sur deux a arrêté, alors que dans le même temps 8 franchisés sur 10 sont toujours en activité. Pour le banquier, cela veut dire qu’un franchisé qui souscrit à un prêt a de meilleures chances de le rembourser. On sait qu’il y a une meilleure pérennité.

F.C : Non, il n’y a rien de bloquant. Quelqu’un qui se lance après les études peut tout à fait reprendre une franchise. Si c’est un petit réseau où il va être impliqué dans l’opérationnel et qu’il a une petite équipe, ça peut le faire.

En général, les personnes qui entrent en franchise sont plutôt des profils qui ont déjà eu une première vie en tant que salariés. Ils se lancent parce qu’ils ont envie d’autonomie, de créer une entreprise, parce qu’ils ont fait le tour de leur métier en tant que salariés. Et puis, ils ont accumulé un apport qui va leur permettre de démarrer. Donc l’âge moyen des franchisés est plutôt autour des 38 ans. Bien sûr, il y aussi des moins de 30 ans qui lancent leur franchise, ça arrive, mais la majorité sont plutôt en deuxième partie de carrière.

F.C : Très souvent, quand on regarde un dossier de création d’entreprise en franchise, on commence par le CV et la motivation du candidat, son adéquation avec le réseau. Ensuite, on parle du lieu d’implantation et du besoin de financement. Mais au départ c’est la personne qui nous intéresse.

Tout entrepreneur doit être motivé, parce que c’est un investissement très lourd. Il faut que sa cellule familiale soit en accord avec ce projet, notamment si l’entrepreneur est en couple. Ensuite, il faut avoir les qualités pour mener son entreprise : un bon sens du commerce et des qualités de manager. En tant qu’entrepreneur, il faut être capable de tout faire et de passer du commercial à la gestion. Quand on est adossé à un réseau il y a un certain nombre d’outils et de méthodes qui sont apportés par le franchiseur et qui font que l’entrepreneur va pouvoir se concentrer sur ce qui fera son succès : le commercial et le management d’équipe, principalement. C’est très important et il n’y a que lui qui peut le faire, ce n’est pas le franchiseur qui va manager son équipe.

Mais, le plus important c’est l’adéquation. Il faut que le candidat soit en accord avec le réseau dans lequel il s’intègre. Il y a des enseignes qui vont très loin dans ce qu’elles apportent, qui ont des procédures et des méthodes très cadrées et qui ne laissent pas beaucoup d’autonomie au franchisé. Dans ce cas, il faut que ce dernier soit suffisamment motivé pour mettre en pratique des éléments qui ont été définis par quelqu’un d’autre, mais il ne doit pas avoir trop envie de faire les choses à sa manière. En revanche, d’autres réseaux vont accepter la créativité et l’apport du candidat qu’ils vont intégrer dans la proposition du réseau. Un bon entrepreneur choisira donc une enseigne qui lui correspond. Mais cela vaut pour toutes les formes de création d’entreprise, il ne faut pas se lancer dans un secteur où l’on n’est pas à l’aise.

Une caractéristique de ce modèle, c’est que le porteur de projet n’a pas forcément besoin d’être du métier. Parce que la partie technique lui est apportée par le franchiseur. Ça dépend du secteur d’activité dans lequel il se lance. Vous avez par exemple beaucoup de chaînes de restauration qui préfèrent prendre des entrepreneurs qui ne sont pas du métier pour mener leurs restaurants. Parce que quelqu’un qui a déjà travaillé dans la restauration, qui est cuisinier par exemple, va vouloir apporter sa touche, ses idées et ses recettes.

F.C : Bien sûr, il vérifie la qualité de la marque et de l’animation du réseau, les outils qu’ils apportent, les méthodologies, etc. Après, il y a l’expérience qui fait que quand un réseau a 50 points de vente, 100, 200, on sait qu’il vaut quelque chose. Mais il faut quand même se méfier parce que tous les réseaux ne se valent pas. Certains franchiseurs ont monté un concept qui a bien marché, suite à quoi ils visent une rentabilité à court terme, quitte à mettre leurs franchisés dans une situation difficile. Il y a des exemples d’enseignes qui ont voulu aller trop vite et trop fort et ont gâché leur concept.

Effectivement, l’apport du réseau a un côté très rassurant, il y a la marque, le savoir-faire, les méthodes, les outils etc. Tout cela compte pour faciliter l’accord de prêt, c’est pour cela qu’il y a une meilleure espérance de vie du franchisé par rapport à un créateur indépendant. Cette pérennité, il la paye avec des droits d’entrée et des redevances. Dans les réseaux qui marchent bien, le franchisé a un point de vente, puis il en ouvre un deuxième, puis un troisième. Et là, ça va plus vite pour lui, c’est plus facile et l’apport demandé peut être moins important.

F.C : Un bon dossier de franchise c’est plein de choses, mais d’abord un candidat motivé, qui va avoir les moyens de mener son affaire complètement et qui est en adéquation avec le réseau dans lequel il veut s’installer.

Comme pour tout dossier d’installation, il faut également un bon emplacement. Ensuite, c’est le banquier qui va parler : il faut que l’entrepreneur ait un apport suffisant en fonction du métier qu’il va choisir. Se lancer en franchise peut demander un très gros apport. Par exemple, dans certaines grandes chaînes l’investissement global peut excéder un million d’euros. Derrière, le chiffre d’affaires est au rendez-vous, bien sûr, mais c’est une somme importante sur laquelle le franchisé va devoir apporter environ 300 000 euros. Si un candidat n’a que 20 000 euros à apporter pour démarrer, il ne faut pas qu’il choisisse ce type d’enseigne.

D’autres métiers nécessitent des apports beaucoup plus limités, par exemple dans le service ou le service à la personne où ce n’est pas l’emplacement et le local qui vont être déterminants, mais plutôt la capacité à manager des équipes.

F.C :  Il faut que le plan de financement soit équilibré. Parce que de toute façon, le banquier ne financera jamais 100 % du projet. L’entrepreneur doit apporter en moyenne 30 % d’apport. Alors, pour ceux qui n’ont pas du tout d’apport il y a des solutions : des prêts d’honneur avec des réseaux d’accompagnement comme Initiatives France, des dispositifs avec Pôles emploi. Il y a également des possibilités de garanties BPI ou de la SIAGI, par exemple. Ce n’est pas valable tout le temps et sur toutes les enseignes mais ils peuvent apporter une garantie.

Il est aussi important d’intégrer dans le plan de financement le fait que, souvent, quand on crée son entreprise, on ne génère pas de revenu dès la première année. Ça va mettre un an ou deux avant que le chef d’entreprise puisse se rémunérer. On conseille donc aux personnes au chômage et qui veulent se lancer en franchise de ne pas attendre d’être en fin de droit pour créer leur affaire. Sauf s’ils ont un conjoint ou une structure familiale qui peut assurer l’intendance pendant cette période-là.

F.C : La franchise est vraiment très intéressante parce que c’est un secteur organisé et structuré, qui en même temps est en mouvement et permet de belles émergences. On constate des effets de modes mais aussi des tendances lourdes, comme la restauration rapide. Il y a plus de 2000 réseaux, c’est une part très importante du chiffre d’affaires du commerce aujourd’hui.

C’est un secteur passionnant, mais qui n’est pas assez connu et identifié. Par exemple, il n’y a pas de ministre qui vient au Salon de la franchise, alors qu’ils viennent au Salon des entrepreneurs. Parce que ça ne parle pas assez. C’est un secteur qui a un problème de notoriété : quand on parle d’entrepreneuriat, la franchise ne vient pas automatiquement à l’esprit. Alors qu’il faudrait dire que parmi les modes de création d’entreprise, il y a la franchise. C’est comme ça qu’il faut qu’on communique !

Écrit par Sibylle Pinochet

Rédactrice en chef

Découvrez la newsletter 100% franchise

Je m'abonne à la newsletter
cross